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Garages indépendants : gérer ou être géré
30 novembre 2018 upsa-agvs.ch – Qu’il s’agisse de télématique ou d’un contrat de maintenance ou d’assurance, une part croissante de l’activité de service est gérée d’une manière ou d’une autre. Ce sont surtout les garages indépendants qui risquent ainsi d’y perdre des clients. Mais il y a une parade, nous dit le congrès spécialisé des garages et des entreprises de service indépendants (« Fachtagung Freie Werkstätten und Servicebetriebe »), à Würzburg, pour les confrères suisses. Un article de Jan Rosenow, responsable du département Service et technique de « kfz-betrieb » *, pour les garagistes Suisses.
« Il a du courage de se présenter ici », tel fut l’avis unanime des participants lorsque Bernd Holzinger, le directeur de HUK Autoservice GmbH, donnait son exposé lors du congrès spécialisé des garages et des entreprises de service indépendants. Son entreprise est en effet connue pour imposer des tarifs horaires très bas à ses ateliers partenaires dans le cadre de la gestion des sinistres, ce qui lui vaut une image déplorable dans la branche. Lors du congrès, M. Holzinger a présenté les intentions de HUK concernant la gestion des services.
Il n’est donc pas surprenant que les auditeurs craignissent que l’assureur cherche également à accaparer les ventes de maintenance et de réparation de la branche, si bien qu’ils ont réagi par le refus. Les intentions de HUK, qui se limitent en outre au réseau de partenaires de réparations de dégâts d’accidents déjà en place de l’entreprise, ne constituent toutefois qu’un phénomène marginal.
Elles peuvent émuler les efforts de grands acteurs de la branche visant à tirer profit de l’activité de service en tentant de bénéficier d’un meilleur accès à l’automobiliste et de diriger son mandat dans une direction donnée.
Obtenir une part du gâteau des réparations
La gestion des services était le mot-clé autour duquel s’articulaient la plupart des exposés du congrès qui s’est tenu le 20 octobre à Würzburg. À l’heure actuelle, il est courant que le client souscrive un contrat qui le lie à une entreprise, qu’il s’agisse d’un forfait chez le concessionnaire ou d’une police d’assurance automobile qui recommande des ateliers. Les services peuvent toutefois aussi être gérés sur le plan technique, par exemple par la télématique qui signale les besoins en maintenance aux constructeurs automobiles ou à leurs partenaires de marque. Le groupe Carat, l’une des principales centrales d’achat allemandes du commerce de gros de pièces détachées, chiffre dès à présent la part des réparations gérées à 20 %. Ce pourcentage devrait doubler d’ici 2030. Cette évolution n’est toutefois due qu’en partie au lien contractuel qui unit l’automobiliste à un atelier précis.
Les systèmes télématiques poussent les équipementiers à rester vigilants
L’introduction de systèmes télématiques dans la première monte devrait largement s’intensifier à l’avenir. Depuis début avril 2018, chaque nouveau modèle de véhicule homologué dans toute l’UE doit disposer d’un e-call. Ce système permet de facilement concrétiser le processus selon lequel les données d’une voiture concernant son état technique sont transmises à distance à un terminal, qui se trouve en réalité chez le constructeur (le fameux b-call ou business call). Lors de l’étape suivante, le conducteur visualise une offre sur son écran et peut fixer un rendez-vous à l’atelier, chez un partenaire de la marque bien évidemment, d’une simple pression sur un bouton.
Qu’en est-il des garages indépendants ?
D’après des chiffres présentés par Elmar Bauer, de l’équipementier ZF, 40 % du parc automobile devraient être équipés d’un système télématique intégré, c’est-à-dire installé à l’usine, d’ici 2025. 30 % supplémentaires utiliseront une solution de deuxième monte. Qu’adviendra-t-il des garages indépendants lorsque les véhicules interconnectés représenteront une part importante du marché dont l’électronique les dirige vers les concessionnaires, à leur détriment ?
Stefan Vorbeck, porte-parole du groupe technique confédéral des ateliers indépendants de la Fédération allemande de la branche des véhicules à moteur (ZDK) a exhorté la branche à participer à cette évolution : « Les garages indépendants ne trouveront leur salut que dans la numérisation ! Chaque entreprise doit avoir son propre concept. » Les constructeurs et leurs réseaux de partenaires sont avantagés par la télématique, qui pourrait bien limiter la concurrence.
La ZDK ne veut pas s’y résigner. Elle travaille sur le développement d’un concept télématique uniforme et intermarque qui devrait rétablir l’égalité des chances. Neofitos Arathymos, responsable technique, sécurité et environnement à la ZDK, explique ce dont le système doit être capable pour pouvoir concurrencer les solutions des constructeurs : « Nous n’avons pas besoin de données, nous voulons pouvoir accéder au véhicule. »
Bien que les constructeurs aient consenti à fournir les données issues des voitures aux acteurs indépendants du marché, celles-ci ne sont actuellement pas assez nombreuses et n’ont pas la profondeur technique requise pour permettre aux ateliers indépendants de proposer des offres de services compétitives. Deux facteurs doivent être réunis à cet effet : l’accès à l’écran de la voiture pour que les entreprises puissent soumettre leur offre directement (c’est « l’acceptation numérique de service sur la route », comme l’appelle M. Arathymos) et en deuxième lieu le télédiagnostic et de téléréparation, c’est-à-dire l’autorisation de lire, mais aussi de programmer les appareils de commande.
Le responsable de la ZDK a souligné l’importance future de cette approche à l’aide de chiffres. Le nombre de mandats d’ateliers devrait baisser de 2 % par an d’ici 2020. Dans le même temps, la part des travaux dépourvus d’aspect mécanique passerait de 23 à 51 %. Cela signifie que plus de la moitié des travaux pourront être effectués à distance en 2030.
L’Union européenne très sollicitée
Les ateliers qui ne participent pas n’auront alors droit qu’à des travaux simples tels que les changements de pneus. C’est pourquoi la ZDK fait du lobbying auprès de l’UE pour de nouvelles dispositions légales qui devraient également assurer la concurrence sur le marché des services à l’avenir. Les autres points centraux sont :
1. l’accès à l’écran du véhicule (pour communiquer avec le client),
2. l’accès aux fonctions (par exemple pour supprimer un code d’erreur),
3. l’accès aux données générées par le véhicule (pour identifier des erreurs, par exemple des fluctuations de régime),
4. la possibilité de traiter les données générées par le véhicule dans le véhicule même.
Des clés USB pour renforcer la relation avec le client
Les systèmes télématiques de deuxième monte courants actuellement (clés USB) sont inadaptés, car ils ne peuvent que lire et pas écrire. Les acteurs du marché indépendant, tels que les fournisseurs de pièces et les grossistes, misent fortement sur les clés USB OBD qui constituent en fin de compte la seule manière d’obtenir les données en direct du véhicule. Celles-ci offrent également une entrée en matière dans le monde de la télématique pour les ateliers indépendants et conviennent parfaitement pour renforcer la relation avec le client et pour faciliter la gestion de parcs automobiles.
Avec Openmatics, ZF a justement développé une plateforme à cet effet. Celle-ci recueille les données issues de Vivaldi, la clé USB OBD propre à l’entreprise, mais aussi celles de nombreuses autres sources, telles que la place de marché de données Caruso ou le professionnel des réparations Tec-Alliance. Les clés USB d’autres fournisseurs tels que Continental ou les applis telles que Jimdrive peuvent également être intégrées. Cette matière brute permet de développer des modèles commerciaux basés sur Openmatics qui fonctionnent aussi pour les ateliers indépendants. Le partenariat qui lie ZF au concept d’atelier Global Automotive Service (GAS), le gérant de mandats du groupe Coparts, montre ce qui pourrait en résulter. GAS permet à ses ateliers partenaires de fournir des prestations destinées aux gestionnaires de flottes et aux sociétés de leasing. La combinaison de Vivaldi et d’Openmatics facilite notamment la planification intelligente de la maintenance et le télédiagnostic. Il est possible d’acheter des applis supplémentaires sur Google Play ou l’Apple Store ou d’en développer soi-même. Or, même Vivaldi ne sait réparer par les ondes.
Un coup d’œil sur le comportement du client
La stratégie de Carat pour le marché des services numériques du futur fonctionne plus à partir du client final que prévu : le grossiste de pièces a conclu de la réussite de grandes plateformes de commerce comme Amazon que les clients cherchent à acheter autant de produits et de services auprès d’un seul prestataire que possible, car une telle approche se révèle pratique. Avec Drivemotive, Carat souhaite créer une telle plateforme sur laquelle les automobilistes trouveront des offres répondant à tous leurs besoins en matière de mobilité. Outre le contact avec l’atelier, les clients pourront également y réserver des voitures de location et régler leur stationnement, leur plein d’essence et le lavage de leur voiture, et y faire bien d’autres choses encore.
Concernant le pouvoir d’achat et la domination technique des constructeurs, il est difficile de croire que les ateliers indépendants seront un jour capables de traiter d’égal à égal avec les OEM sur le point de la télématique. Ces derniers préparent en effet déjà leur prochain coup : ils rendent l’accès à l’interface OBD de plus en plus difficile. Légalement, celle-ci n’avait à l’origine été prévue que pour surveiller des sources d’erreurs pertinentes pour les gaz d’échappement, mais pas pour accéder à tous les systèmes du véhicule. Il est donc possible que les clés USB de deuxième monte ne puissent bientôt plus rien lire, car les groupes automobiles bloqueront l’accès.
Ateliers indépendants : il est temps de continuer à se former
Les ateliers allemands évoquent même déjà des difficultés à pénétrer certaines voitures à l’aide d’appareils de diagnostic multimarques. Neofitos Arathymos, responsable de ZDK, appelle les entreprises à adresser de tels cas à leur corporation, à l’association nationale ou directement à la ZDK pour que la fédération puisse lutter contre de tels développements. Le nouveau règlement UE 2018/858 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur montre que cela fonctionne bien : il prévoit en effet que le constructeur doit fournir sur Internet toutes les informations nécessaires pour le diagnostic, la maintenance, la reprogrammation ou la réinitialisation d’un véhicule. Cela vaut pour tous les véhicules motorisés, quelle que soit leur classe d’émissions. Jusqu’à présent, de telles règles étaient édictées séparément, par exemple dans les directives Euro 5 et Euro 6.
Il ne faut donc pas exclure que l’UE, d’habitude si prompte à défendre les consommateurs et la concurrence, entrave à l’avenir les efforts des OEM visant à maintenir fermés leurs systèmes télématiques. Par conséquent, les garages indépendants feraient bien de se pencher dès aujourd’hui sur cette technologie. En effet, lorsque les clients se seront habitués à l’« acceptation de service sur la route », ils voudront certainement aussi continuer à recourir à cette méthode lors d’un changement d’atelier. <
* Écrit par un invité. Cet article du magazine allemand kfz-betrieb a été publié et traduit avec l’accord aimable du quotidien.
e-call fonctionne aussi en Suisse
Les véhicules suisses sont eux aussi équipés d’e-call en vertu des accords bilatéraux passés avec l’UE. La connexion vocale d’e-call avec les centres d’urgence suisses fonctionnera également. Les polices compétentes pourront recevoir les données supplémentaires d’e-call.